Bertrand Venard et son équipe de l’Université française d’Arménie se dirigent vers l’excellence

Le nouveau recteur est venu à Erevan, la capitale, en septembre 2020 pour prendre la direction de l’Université française d’Arménie. Quelques jours plus tard, au Haut-Karabakh, l’Azerbaïdjan rencontre Stepanakert, la capitale de la République autoproclamée d’Artsakh. Une trentaine d’étudiants s’engagent alors à protéger les terres de leurs ancêtres. Certains ne reviendront pas. Portrait et description derrière les cas de l’UFAR.

Il vient tout droit d’Oxford. Docteur en Méthodes des Sciences de Gestion, il a travaillé dans un autre secteur, avant de devenir, il y a 30 ans, directeur d’une nouvelle école de commerce au Vietnam. Comme il le dit, « J’ai quitté le conseil et la finance pour entrer dans le milieu universitaire, ce qui m’intéresse depuis près de 30 ans maintenant. En 1992, au Vietnam, avec la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, le Quai d’Orsay et le gouvernement du Vietnam, nous avons lancé le Centre franco-vietnamien de formation au management, CFVG. Sa nouvelle carrière est lancée. Polyglotte, a vécu en France, Vietnam, Singapour, USA, UK. Avant de rejoindre Erevan, il était professeur-chercheur en cybersécurité à l’Université d’Oxford. La cybersécurité est son passe-temps.

Dès son arrivée en Arménie, il sentit que sa mission serait importante. Il n’a pas mis les pieds dans cette région de Transcaucasie, sujet de tant de conflits et d’aspirations géopolitiques. Il respecte ces gens qui ont tant souffert. En altitude, et avant de devenir un pays chrétien (en 301), l’Arménie s’étendait entre 3 mers : la Méditerranée (de la Cilicie et du Liban), la Mer Noire (au nord de l’actuelle Turquie), et, la Mer Caspienne (de la terre c’est aujourd’hui l’Azerbaïdjan). « Je suis toujours impressionné par la résilience de ces personnes et leur histoire dramatique. Son amitié pour la France m’a profondément touché. Ici, les gens parlent encore très français. Des chiffres précis sont difficiles à obtenir, mais entre 7 et 10% de la population arménienne parle français.

À l’été 2020, en atterrissant pour la première fois sur le tarmac de l’aéroport de Zvartnots, l’histoire de sa famille se dévoile. La pensée familiale ne le quitte pas. « Je me souviens de mon grand-père qui a combattu en 1915 contre l’Empire ottoman. Et par sa taille, Bertrand Venard fait partie de ces vétérans reconvertis dans la vie civile. Physiquement, ajoute-t-il. Avec un visage rond et un crâne rasé, avec ses petites lunettes, et un sourire carré, il s’exprime avec aisance. Convivial, ses propos sont justes, concis et argumentés. Elle en tire une autorité naturelle, avec un certain charisme attaché à son côté multiculturel. Il se lève de sa chaise et sort de son bureau. Il part pour accueillir la Fondation belge Arslanian, venue visiter l’université. « Sans la diaspora, et, nos donateurs, nous ne pourrions pas finir ensemble », explique-t-il. A l’entrée, trois drapeaux bleu, blanc-rouge et rouge-bleu-orange (abricot) accueillent les visiteurs.

L’UFAR rend hommage à ses étudiants

Quelques jours après son arrivée, le 27 septembre 2020, une guerre éclate au Haut-Karabakh. Les Azéris, que les Arméniens appellent « Turcs » en raison de leurs origines ethniques et de leur proximité avec la Turquie, envahissent l’Artsakh. Bertrand Venard ne dort pas la nuit. Avec son équipe, composée majoritairement de femmes, il remue ciel et terre pour venir en aide à ces étudiants-volontaires, qui ont arrêté leurs études pour faire avancer et défendre ce territoire autant que la Bretagne, devenue indépendante en 1991. Il se souvient ces journées implacables : « Après notre premier chagrin, nous et mon état-major avons dû proposer une solution aux 26 étudiants-soldats partis à la guerre. Ils ont passé un quart de leur vie au nom de leur patrie. Ils ont risqué leur vie pour protéger l’Artsakh. Parmi eux, 11 sont morts au combat. Les autres ont été réintégrés à l’UFAR, dans le cadre du Plan de réintégration des élèves soldats (NDLR : PRES). Nous avons aidé toutes les familles. »

Deux ans plus tard, le PRES est toujours actif. Il permet aux étudiants, gratuitement, de rattraper leur retard, en profitant de cours particuliers. La prise en charge psychologique fait également partie du plan. « C’est simplement venu à notre connaissance à ce moment-là. Leurs blessures psychologiques sont réelles et elles ne se refermeront qu’avec cette aide, et, avec le temps », argumente le préfet, ému. Le PRES a ensuite décidé d’un autre plan : le PREM’S, le Plan de Réinsertion des Elèves Post-Militaires vers la Réussite. « Ce sont des jeunes de l’université qui partent en service militaire (NDLR : dure 2 ans). Quand ils reviennent, il y a un taux d’échec important. Parce que les étudiants ont perdu leur rythme, ils ont perdu des connaissances en français, anglais, mathématiques, droit, gestion, marketing, etc. »

Fondée en 2000 par le ministère de l’Éducation et des Sciences, le ministère des Affaires étrangères de la République d’Arménie, le ministère français des Affaires étrangères et l’ambassade de France en Arménie, l’université compte cinq facultés : droit, gestion, finance, marketing, informatique sciences et mathématiques appliquées. . Pour que tout fonctionne, 70 personnes travaillent à temps plein avec 142 enseignants locaux et une centaine de visiteurs (conférenciers et enseignants). Sur les 1700 étudiants actuels, 75% sont des jeunes filles. « Plus de 90 % des élèves ne parlent pas français, explique le préfet, ce qui est un vrai challenge. Deux ans plus tard, ils vont très bien. Pour y participer, les candidats doivent réussir un concours très sélectif.

Pour être l’un des leaders incontestés du Caucase, l’UFAR a développé des partenariats académiques avec l’Université Jean Moulin à Lyon et l’Université Paul Sabatier à Toulouse. Après avoir choisi le concours d’entrée, les étudiants doivent payer en moyenne « 1 500 euros de frais de scolarité par an. Cela dit, l’enseignement dépend aussi du corps professoral. Ils sont plus importants en informatique. Mais nous avons aussi un système de bourses, que nous continuerons à renforcer. Le dossier est dirigé par son directeur d’étude, Zaruhi Soghomonyan. Chaque semestre, un appel à candidatures pour bourses est lancé. Il existe deux systèmes de validation. La première est fondée sur le mérite, la seconde sur des critères sociaux. « Chaque semestre, explique le directeur, les étudiants déposent un dossier de candidature et nous appliquons des règles de sélection strictes. »

Alors que le budget de l’UFAR est couvert à 86% par les frais de scolarité, le delta est financé par des financements de donateurs partenaires, tels que l’Ambassade de France, l’UGAB, et des entreprises (AMUNDI-ACBA, ACBA BANK, GRANT THORNTON, SOFTCONSTRUCT). Il y a aussi des naturels comme Raymond Yezeguelian, Jean Sirapian, Roy Arakbanian, Union générale caritative d’Arménie, UGAB. Sans eux, l’UFAR ne pourrait pas fonctionner et se développer.

Bertrand Venard, avec son atavisme et ses expériences anglo-saxonnes, asiatiques et francophones, serait-il un stratège visionnaire ? Si tel était le cas, il était sûr de le prendre à son père, ancien colonel de la Légion étrangère. Il y a un an, elle lançait son plan stratégique quinquennal : le Plan Horizon UFAR 2021-2025, dont l’objectif principal est d’élever son université au podium de l’excellence académique. L’UFAR est actuellement l’un des 10 premiers classés dans les 59 établissements d’enseignement supérieur d’Arménie. Le recteur n’oublie pas non plus la question de la fin des études, des débouchés, de l’esprit d’entreprise, qui souffle depuis quelques années en Arménie, et des métiers. « Seulement 3 % de nos étudiants sont à la recherche d’un emploi », dit-il. L’UFAR forme les étudiants et les prépare à devenir de véritables entrepreneurs. « Nous sommes dans un rythme important d’investissement et de développement. Nous agissons contre le marché dans toutes nos facultés. Nous avons également lancé un programme de soutien pour nos étudiants entrepreneurs. »

Le préfet est à la fois dynamique et ambitieux. Ça fait rêver, c’est certain. Avec son équipe, il continue de transformer l’UFAR : « Mon objectif est de la moderniser, de la positionner encore plus comme une université de référence et de doubler le nombre d’étudiants en cinq ans ». Est-ce que ça va? A la fin de la période académique 2018-2019, il y avait 1150 étudiants. Trois ans plus tard, ils sont 1 700, soit une augmentation de près de 50 %. Le recteur, qui s’inscrit dans un continuum, envisage de « pousser les murs et transformer notre amphithéâtre de l’étage supérieur en salles de classe », pour pouvoir accueillir les 2000 élèves, qui se pressent à la porte de l’école, à la rentrée prochaine. .

Si l’université accueille 75% d’étudiantes, les femmes sont également omniprésentes dans le personnel interne de l’université. Par exemple, l’équipe 100% féminine de Roza Manukyan est disponible pour organiser ses prochains événements, et finaliser la brochure tant attendue, qui présentera les nouvelles configurations. La directrice de l’étude, Zaruhi Soghomonyan, confirme pour sa part que le féminisme de l’enseignement supérieur est la conséquence du service militaire, d’une durée de deux ans. « Après cela, il est très difficile de retourner à l’école. Elle, qui était étudiante à l’UFAR, connaît le problème. Polyglotte, elle devient en 2012 la responsable de la chaire de langues étrangères de l’UFAR. Puis, en 2019, elle est promue directrice des études. Concernant la co-réalisatrice, elle évoque leur collaboration : « C’est une personne très innovante. Parfois, c’est difficile à suivre. Mais il nous écoute beaucoup. En outre, il protège la valeur de l’intégrité qu’il cherche à promouvoir. « Le mot clé ici est intégrité et innovation. La solidarité aussi. Exemple d’innovation : Accelerator 28. « Nous l’avons lancé il y a un an. C’est la première pièce d’un puzzle sur notre écosystème entrepreneurial pour créer des start-up », explique la gérante Asya Movsisyan.

L’UFAR, malgré son contexte international anxieux, et la morosité générale, malgré la guerre en Ukraine, et les répercussions négatives de son environnement géographique dense, dont l’Arménie semble être préservée, sont de plus en plus tournées vers l’avenir. . Elle a lancé un nouveau Master of Artificial Intelligence, soutenu par son partenaire, SoftConstruct. Ce nouveau Master risque d’attirer les foules, tant le secteur de l’intelligence artificielle est en plein essor dans le monde. Et l’Arménie est l’une des rares nations expertes dans ce domaine.

Rêve : un nouveau campus ?

« L’avenir de l’UFAR prévient le recteur qu’il passera par un nouveau campus. A la rentrée de septembre, nous ferons un miracle pour accueillir les 2 000 élèves. « Et après ? Les bâtiments existants atteindront rapidement leur taille critique. L’un des rôles des administrateurs et du recteur est d’assurer la pérennité de l’université, en anticipant les besoins futurs, en modélisant les futures UFAR, et de planifier et réaliser les travaux en En plus de tout cela, le recteur doit embarquer le personnel de ses pèlerins pour récolter des fonds. » Nous sommes en mai, nous avons besoin d’avoir 7 nouvelles salles de classe dans le bâtiment avant fin août Pour notre faculté d’informatique, nous sommes en cours de rénovation de 8 chambres supplémentaires sur une terrasse de 550 m2. »

Taille cruciale de l’UFAR, le plafond de verre de sa capacité d’accueil est de 2500 étudiants. Elle atteindrait cette ampleur dès la rentrée 2024. L’avenir de l’UFAR doit donc s’orienter vers un nouveau campus. Avec un budget actuel de 2 millions d’euros, couvert à 86% par les frais de scolarité, le nouveau campus disposerait d’un budget exceptionnel, dont Bertrand Venard a rêvé. Son prédécesseur, Jean-Marc Lavest, rêvait déjà de lui. Bertrand Venard, il progresse au large, avec une longue progression. Il aurait même trouvé son site. Son expérience à Oxford lui est très utile sur le sujet. Il étudie les options d’investissement et a rédigé un plan d’affaires de 12,5 millions d’euros. Il couvrirait déjà jusqu’à 50 %.

L’avenir nous dira si son rêve se réalisera. En 2025, la nouvelle UFAR verra-t-elle le jour ? Il faut suivre de près le projet UFAR Campus 2025. A ce jour, l’UFAR est un bel événement qui célèbre l’amitié et l’excellence franco-arménienne.

Plus d’informations : Université de France en Arménie (ufar.am)

Rapport rédigé par Antoine Bordier