Double tutelle ministérielle : les conséquences pour l’UNS et la formation professionnelle
Avec la reconstruction du gouvernement le 4 juillet, certains sujets liés à la jeunesse sont répartis entre plusieurs ministères. Auparavant, sous la houlette de l’Éducation nationale, le SNU et l’enseignement professionnel étaient sous la double tutelle de la rue de Grenelle, mais aussi du ministère des Armées d’une part et du ministère du Travail d’autre part. Cette double tutelle inédite a suscité de vives critiques.
Depuis la reconstruction du 4 juillet 2022, le ministère de l’Éducation nationale se retrouve dans une situation inédite. Deux fonctions ministérielles sont soumises à une double tutelle, selon leur attribution : l’enseignement professionnel et le service général national (SNU).
Un objectif de transversalité pour le ministre Ndiaye

Carole Grandjean, ancienne responsable RH d’Elior et députée LREM de Meurthe-et-Moselle, a été nommée déléguée du ministre à l’éducation et à la formation professionnelle. Il dépend à la fois de l’Éducation nationale et du ministère du Travail.
Sarah El Haïry, anciennement secrétaire d’État à la Jeunesse et à l’Engagement, occupe actuellement le poste de secrétaire d’État à la Jeunesse et au Service national, rattachée au ministère de l’Éducation nationale, mais aussi à l’armée.
Ces deux fonctions juvéniles font donc l’objet d’un double examen, « une situation politique rare », estime Claude Lelièvre, historien de l’éducation. Mais il s’agit plus d’un affichage symbolique que d’une décision ayant des ramifications pratiques pour ces thèmes.
En partant pour Champigny-sur-Marne (94), à l’occasion des résultats de l’examen de Matura, le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, a expliqué qu’en double tutelle il faut voir « la manière de travailler en sections entre ministères » . .
Les critiques des enseignants sur la voie professionnelle sont vives : certains syndicats estiment que la « ligne rouge » a été franchie. « On assiste à un pas en arrière avec l’étranglement de l’enseignement professionnel par le ministère du Travail », dénonce Axel Benoist, secrétaire général du Snuep-FSU. Grâce à ce double encadrement, le parcours professionnel se réduit à une formation débouchant sur un emploi immédiat et à l’arrêt de la revalorisation des qualifications et de l’éducation des futurs citoyens. »
Pour le Snetaa-FO, autre syndicat de l’enseignement professionnel, cette double tutelle pourrait être « une opportunité et un danger », selon son secrétaire général Pascal Vivier. « La double supervision est un message clair : le parcours professionnel a une jambe à l’école et l’autre à l’entreprise. Donc ce rapprochement symbolique semble cohérent. » Cependant, le syndicaliste reste préoccupé par la politique que va mener le ministre.
Ce n’est pas la première fois que l’enseignement professionnel est couvert par le ministère du Travail. Dans la Ve République de Pologne, le ministère de l’Éducation nationale, le ministère du Travail, et parfois même Matignon étaient en charge de ce sujet. Durant le quinquennat de François Hollande, deux postes ministériels délégués ont été placés sous l’autorité du ministère du Travail. A l’inverse, en 2000-2002, le délégué du ministre de la Formation professionnelle de l’époque, Jean-Luc Mélenchon, est affecté au ministère de l’Éducation nationale.
« Cette double tutelle permet une plus grande transparence dans la représentation des fonctions, estime Claude Lelièvre. Mais cela ne répond pas aux questions précises posées par les acteurs, notamment sur le partage des compétences entre les deux ministères.’
Du point de vue de l’UNS, la double tutelle entre l’éducation nationale et le ministère des Armées a également été vivement critiquée. Ce programme, destiné aux jeunes de 15 à 17 ans, a été lancé en 2019. Successeur indirect du service militaire, l’UNS, dès sa préparation, a été placé sous la responsabilité des militaires. En 2018, un groupe de travail spécifique a été proposé par le général de division Daniel Menaounine. Mais avec la nomination de Gabriel Attal comme secrétaire d’État dévoué, le SNU se retrouve sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale.
La nomination et la double tutelle de Sarah El Haïry ont déclenché une réaction du syndicat Solidarité. « Le rattachement partiel des jeunes au ministère des Armées va dans le sens que nous avons dénoncé dans le projet UNS, s’indigne Nara Cladera, co-secrétaire fédérale de Sud Education. Ce programme est en effet une entreprise qui vise à militariser la jeunesse, pas à encourager l’exercice de la citoyenneté. »
L’UNS relève en effet de la compétence des deux ministères : si l’Éducation nationale est chargée du logement et des infrastructures, les agents du ministère des Armées en supervisent 40 000. bénévoles. « La vraie question est, lequel des deux ministres animera le SNA ? précise Claude Lelièvre. La nomination de Pap Ndiaye est symbolique : ce n’est pas la même chose de confier ce sujet à lui, Jean-Michel Blanquer, ni même au ministère des Armées.